Bouclier Fiscal







Impôts :Bruxelles somme la France de corriger le bouclier fiscal

La Commission européenne devrait adresser aujourd’hui un avis motivé à Paris pour lui demander d’étendre le bouclier fiscal aux contribuables domiciliés ailleurs qu’en France, en particulier s’ils y perçoivent l’essentiel de leurs revenus.

Le bouclier fiscal contrevient au sacro-saint principe de libre circulation des personnes et des capitaux dans l’Union européenne. C’est ce que la Commission devrait faire savoir à la France en décidant, ce matin, de lui adresser un « avis motivé » lui demandant de modifier au plus tôt sa législation – une deuxième étape après la mise en demeure formulée en juin 2009. A peine la polémique au Parlement est-elle éteinte que le gouvernement se voit donc contraint d’affronter une nouvelle offensive, juridique cette fois-ci, contre le bouclier fiscal.

Le principe du bouclier fiscal, selon lequel les impôts ne doivent pas excéder 50 % des revenus, n’est pas remis en cause. Mais certaines de ses modalités d’application sont contestées. Le champ des bénéficiaires d’abord. Selon Bruxelles, le dispositif exclut les contribuables fiscalement domiciliés hors de France, même s’ils y perçoivent l’essentiel de leurs revenus et y sont imposables à titre principal. Il s’agit des quelques centaines de milliers de personnes habitant en Suisse ou en Espagne mais travaillant en France. Pour Bruxelles, cela ne respecte pas le principe de libre circulation des personnes en Europe. Bercy rétorque qu’ils bénéficient bien du bouclier fiscal, même si ce n’est pas écrit noir sur blanc dans la loi. Dans le même esprit, la Commission demande de corriger le plafonnement de l’ISF et de l’impôt sur le revenu à 85 % des revenus, celui-ci ne s’appliquant qu’aux domiciliés en France.

Fureur de Bercy

Le mode de calcul du bouclier est lui aussi contesté. La Commission regrette qu’il prenne en compte les seuls impôts payés en France. Ce qui contrevient au principe de libre circulation des capitaux : le dispositif incite les contribuables français à investir dans des titres générant des dividendes taxés en France, où ils bénéficient du bouclier fiscal, plutôt que dans un autre pays européen, où ils devraient acquitter l’impôt. Ce grief provoque la fureur de Bercy. « Le bouclier fiscal n’a pas à protéger contre un impôt confiscatoire acquitté à l’étranger », indique l’entourage de Christine Lagarde. De fait, la position de la Commission reviendrait à demander au fisc français de rembourser des impôts perçus par le fisc britannique ou allemand, par exemple. Hors de question, donc, de corriger le dispositif à ce stade. « La loi fiscale ne se fait pas à Bruxelles ! », ajoute un conseiller de Bercy. La réforme de la fiscalité du patrimoine, annoncée pour juin prochain, apportera certainement la solution au conflit : le gouvernement devrait annoncer la suppression du bouclier fiscal, ou en tout cas sa révision profonde. « Si réforme il y a, ce ne sera pas sous le coup de cette procédure bruxelloise », insiste-t-on à Bercy.

Si Paris ne prend pas les mesures nécessaires pour adapter sa législation dans les deux mois qui viennent, la Commission peut décider de saisir la Cour de justice de l’Union européenne. La France s’exposera alors à une amende, éventuellement assortie d’astreintes.

ALEXANDRE COUNIS (à BRUXELLES) ET LUCIE ROBEQUAIN
Ecrit par
Lucie ROBEQUAIN

Lucie ROBEQUAIN
Journaliste (Les Echos 28/10/10)